jeudi 13 janvier 2011

Kath : un petit extrait

Je travaille actuellement, entre autres, sur un roman fantastique dans notre univers contemporain. Bon, comme d'habitude, avant d'avoir un manuscrit définitif, celui-ci va passer par le stade des "N" corrections (ou N est un chiffre compris généralement entre 7 et l'infini), mais ça suit son cours. Suite à un retour pertinent de l'éditeur, le projet initial d'un gros livre se transforme en trois tomes plus courts et plus nerveux qui vont me permettre d'explorer trois aspects du récit et du personnage principal, Kath.
Pour me faire pardonner mes parutions irrégulières sur ce blog, un petit extrait, l'introduction du chapitre 3.
bonne lecture.


***
- Katia… Katia… Katia…
Elle répétait sans cesse ce prénom comme pour enfin réaliser qu’il était bien le sien.
- Katia… Katarina…
Prostrée dans un coin de la chambre, les bras serrés autour des genoux et le regard dans le vague, elle poursuivait cette litanie depuis des heures. Derrière les persiennes fermées, la lumière des néons de la rue filtrait à peine dans la pièce sombre où Anthon l’avait laissée, lui recommandant avec insistance de l’attendre ici sans bouger. Elle avait vaguement acquiescé, ne sachant pas de toute façon où aller. Ils étaient arrivés à Bérezov un peu avant l’aube et Soldek avait tout de suite garé la voiture volée sur le chantier archéologique dans le parking souterrain de ce quartier gris et sale. Comme une junkie complètement défoncée, incapable de prendre ses propres décisions, elle l’avait suivi jusqu’à cet hôtel minable où ils avaient passé la journée. Dans le noir, volets et rideaux tirés, Anthon avait dormi jusqu’à ce que la nuit tombe, ce qui survenait assez vite en cette saison. Elle n’avait pas bougé de ce coin de mur à la tapisserie brune et défraîchie. Une fois réveillé, le colosse s’était penché au-dessus d’elle pour lui parler brièvement, lui rappelant quelques consignes de prudence qui ressemblaient plutôt à des ordres. Puis il était parti, précisant qu’il devait maintenant organiser leur départ de Russie.
Katia, puisqu’Anthon affirmait que tel était son nom (ou Katarina, ce n’était pas très clair), s’était contentée d’opiner d’un bref geste du menton. Elle n’avait plus envie de réfléchir. Elle ne voulait plus penser. Trop de choses s’emmêlaient dans son esprit embrumé. Les mots d’Anthon Soldek, son long récit dans la voiture, tout lui paraissait si embrouillé, si nébuleux. Elle aurait voulu croire qu’il s’agissait simplement d’une fable. Une histoire trop horrible pour contenir la moindre parcelle de vérité. Pourtant, celle-ci éveillait en elle un étrange sentiment de familiarité qu’elle ne pouvait renier. Mais ses souvenirs la fuyaient encore. De rares flashes, quelques images éparses d’un passé lointain flottaient parfois à la frontière de sa mémoire, trop fugaces pour qu’elle puisse s’y raccrocher.
- Vous avez été absente longtemps, princesse, avait dit Anthon. Prenez votre temps. Vous vous souviendrez. Je vous y aiderai. Le sang coulera à nouveau. Alors vous retrouverez votre vraie place.
Il était ensuite sorti, l’abandonnant avec plus de questions que de réponses. Le cliquetis de la clef tournant dans la serrure avait résonné bruyamment à travers la chambre vide. Dans la pénombre, le museau pointu d’un rat apparut à travers une fissure dans la plinthe à la couleur criarde. Bravant le froid, la bête aussi grosse que deux poings réunis explora un moment les lieux, se rapprochant peu à peu de cette forme prostrée qui attisait sa curiosité. Le martèlement de ses pattes griffues sur le plancher rugueux jouait un rythme mystérieux et envoûtant. Le rat s’avança à quelques centimètres des pieds nus de la jeune femme. Il releva la tête, humant l’air, cherchant un signe, une odeur connue. Les petits yeux noirs rencontrèrent ceux de l’inconnue qui empiétait sur son territoire. Soudain, l’animal se recroquevilla en poussant un couinement soumis. Renonçant à faire valoir ses droits sur ce domaine, il s’effaça dans une parodie de révérence et courut se réfugier dans son antre. Le silence nocturne retomba sur la chambre.
De nouvelles images s’imposaient à l’esprit de la jeune femme au visage blême. Des suites de scènes sans liens apparents entre elles. Elle tentait de trouver une logique aux événements de ces dernières heures. En vain. Elle avait l’impression d’être folle. Il lui fallait se raccrocher à quelque chose sous peine de sombrer dans des ténèbres qui l’effrayaient. Celles de son passé, celles de son âme vide.
- Katia… Katarina… Katia…

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2 commentaires:

  1. sans doute que non. Chez Rivière blanche, il y a un autre projet en cours, mais là aussi, j'en parlerai quand ce sera un peu plus avancé.

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